L'Agglomération s'engage pour l'hydrogène

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L’Agglomération et ses partenaires proposent d’implanter une station de production d’hydrogène vert et une plate-forme de distribution. L'Agglomération investirait également dans 12 bus et deux bennes à ordures ménagères à hydrogène vert. L’enjeu de ce projet est à la fois environnemental et économique. Pour qu'il aboutisse, l'engagement d'entreprises locales et costarmoricaines est également nécessaire.

Le consortium Armor Hydrogène

Dans le sens de la transition énergétique impulsée par l’État et la Région Bretagne, Saint-Brieuc Armor Agglomération et la Chambre de commerce et d’industrie travaillent, depuis 2019,  sur le développement d’une filière hydrogène en Côtes d’Armor. Elles ont été rejointes par le Syndicat départemental d’énergie (SDE 22) et par la Banque des territoires et forment le consortium Armor Hydrogène.

Premier objectif du groupement : créer une usine de production d’hydrogène vert et une première station de distribution, zone des Châtelets, à Ploufragan. L’entreprise Valorem, spécialisée dans la production d’énergies renouvelables, a été retenue (suite à un appel à manifestation d’intérêt) pour construire ces deux unités. Le projet, qui s’élève à 15,5 millions d’euros, devrait bénéficier des financements de l’Ademe (entre 40 et 45%), de la Région et de l’Europe. Il faut pour cela qu’il remporte l’appel à projets "Ecosystèmes territoriaux hydrogène". Un financement participatif est également envisagé.

Enclencher le processus
Saint-Brieuc Armor Agglomération sera la première cliente de l’usine et de la station de distribution. Elle achèterait, si l'Ademe retient le projet, 12 bus (12 à 13 M€) et deux bennes à ordures à hydrogène (1 M€). Mais il faut trouver d’autres utilisateurs : des transporteurs routiers, des plate-forme logistiques, des entreprises industrielles…

Pour cela, le consortium informe et sensibilise les entreprises costarmoricaines à l’hydrogène et au projet. Un cluster d’une centaine de sociétés a ainsi été constitué et devrait s’agrandir. Quelques entreprises ont déjà exprimé leur volonté de passer à l’hydrogène. Des intentions qui peuvent peser dans l’appel à projets. L’Ademe demande, en effet, de sécuriser la consommation de 400kg d’hydrogène par jour et les bus et les deux bennes n’en consommeraient que 200.

La CCI prévoit par exemple de renouveler son matériel portuaire afin qu’il puisse fonctionner à l’hydrogène. Et la Région Bretagne réfléchit à convertir une partie de sa flotte de bus et à un dispositif d’aides aux pêcheurs qui investiraient dans des bateaux à moteur diesel rétrofitable, c’est-à-dire convertibles à l’hydrogène.

L’objectif du consortium serait d’ouvrir l’usine et la station de distribution d’ici juin 2024.

 

De l’hydrogène, oui, mais de l’hydrogène vert !

Quand on parle de filière hydrogène à Saint-Brieuc Armor Agglomération, il s’agit d’hydrogène décarboné ou vert. Dans ce cas, l’hydrogène est obtenu à partir de l’eau dont la molécule est composée d’un atome d'oxygène relié à deux atomes d'hydrogène. Pour produire de l’hydrogène, il faut donc dissocier ces atomes. Le procédé utilisé, l’électrolyse, a l’avantage de n’émettre aucun gaz à effet de serre et de ne coproduire que de l’oxygène. Ainsi, l’hydrogène obtenu est dit « vert » lorsque l’électrolyse est effectuée avec de l’électricité elle-même verte, c’est-à-dire produite par des éoliennes, des panneaux photovoltaïques…

Utilisé comme carburant, l’hydrogène vert est " propre " car sa combustion ne génère que de la vapeur d'eau pure et de la chaleur. Il émet zéro CO2 et zéro particule fine que l’on retrouve dans les carburants fossiles.

(1)  Son nom scientifique est désormais dihydrogène.

« L’Agglo a un rôle essentiel »

Questions à Jean-Marc Labbé, vice-président de Saint-Brieuc Armor Agglomération en charge de la politique de l’énergie et de la transition écologique et du PCAET.

Comment est né ce projet de filière hydrogène ?
Tout a commencé par une réflexion sur le renouvellement de notre flotte de bus qui, en 2035, ne pourra plus fonctionner avec des carburants d’origine fossile. Avec un bureau d’études, nous étudions différentes sources d’énergie ‒ l’électrique, le GNV vert, l’hydrogène vert… ‒ en tenant compte des coûts d’achat, de fonctionnement et bien-sûr du bilan carbone. En parallèle, la Chambre de commerce et d’industrie s’intéressait aussi à l’hydrogène. Nos questionnements se  sont croisés et ont donné naissance à ce projet de filière costarmoricaine de l’H2 vert auquel se sont joints le Syndicat départemental d’énergie (SDE 22) et la Banque des Territoires. Chacun de ces "quatre mousquetaires" apporte son expertise dans son domaine.

Sans l’initiative publique, ce projet pourrait-il exister ?
Pour des raisons de coût, le secteur privé ne se serait jamais lancé seul. Et le secteur public a besoin du privé pour concrétiser ce projet. Avec Valorem et son partenaire Teréga, nous allons monter une société de projet dans laquelle chacun est investi. L’Agglo, elle, a un rôle d’autant plus essentiel qu’elle pourrait investir dans 12 bus et deux bennes à ordures ménagères à hydrogène vert. Sans elle, il n’y aurait pas de premier client !

Quels sont les enjeux de ce projet ?
L’enjeu est bien sûr environnemental : il faut réduire considérablement les émissions de carbone. Nous aimerions ainsi qu’à son ouverture totale, la ligne de Transport Est-Ouest soit totalement vertueuse. L’enjeu est aussi économique car ce projet permettrait de relocaliser la production d’énergie et de créer de nouveaux emplois. Il confirmerait également que l’Agglomération est une terre d’innovation.

Sur quelles autres sources d’énergie l’Agglo travaille-t-elle ?
L’Agglomération essaie d’être transverse sans ses énergies pour être la moins dépendante possible. Nous structurons la filière bois et regardons ce que font les industriels et les agriculteurs en matière de méthanisation. Nous avons aussi lancé un cadastre solaire pour identifier les toitures qui pourraient accueillir des panneaux photovoltaïques.

 

L'opérateur du projet

Fin 2021, les partenaires ont retenu l’opérateur du projet, suite à un appel à manifestation d’intérêt : il s'agit de la société VALOREM, appuyée par TEREGA Solutions. Créé en 1994, VALOREM est un spécialiste de la production d'énergies renouvelables qui intervient sur l’ensemble de la chaîne de valeur de l’hydrogène vert : de l’étude de faisabilité à la construction et l’exploitation-maintenance, en intégrant le financement de projets.

Les 6 partenaires préparent actuellement leur dossier de candidature pour le remettre fin septembre 2023 à l'Ademe. En parallèle, l’identification des usages auprès des acteurs économiques s’accélère, en s’appuyant sur le cluster H2 animé par la CCI et qui a été primé au sommet du développement durable (mention spéciale du jury).

Le consortium Armor Hydrogène  œuvre ainsi pour implanter une station "H2 VERT" et mesure l’importance de former, d’accompagner et de structurer cet écosystème, pour permettre aux entreprises locales de monter en compétences et de se positionner sur un marché prometteur et une filière d’avenir.

 

 

DB Schenker sur la voie de l’hydrogène

Pour maximiser ses chances d’être retenu et  financé en partie par l’Ademe, ce projet de filière costarmoricaine de l’hydrogène doit séduire de futurs utilisateurs. Le transporteur DB Schenker, situé à quelques pas des futures usine de production d’hydrogène et plate-forme de distribution, est déjà sensibilisé à cette énergie décarbonnée. « Nous nous sommes fixés 2040 (contre 2050) pour atteindre la neutralité carbone, explique Éric Michinneau, coordinateur de la stratégie bas-carbone chez DB Schenker. Pour cela, quand un véhicule doit être changé, nous choisissons le plus décarboné possible, mais l’offre reste très modeste.Pour l’instant, il y a des bus, des bennes à ordures, des taxis qui fonctionnent à l’hydrogène, mais pas encore de camion. Cependant, nous sommes assez optimistes car la recherche avance très vite en la matière. »

DB Schenker travaillent actuellement sur deux projets hydrogène. « Deux de nos véhicules thermiques vont être convertis en hydrogène par e-Néo et transporteront le frêt de L’Oréal,explique Éric Michineau. L’hydrogène vert, lui, sera distribué par Engie. » Ces innovations ont un coût pour le transporteur : « Un véhicule classique vaut entre 40 et 50000€, celui à hydrogène environ 500000€! » Elles ont un coût également pour les clients, en l’occurrence L’Oréal.

En France, le plus grand fournisseur de services logistiques au monde est également impliqué dans le projet Vallée Hydrogène Grand Ouest, VhyGO. « Nous cherchons des clients prêts à partir avec nous dans le transport hydrogène. Le groupe Rocher, L’Oréal et Manitou Group sont partants. »

Pour le projet de filière hydrogène en Côtes d’Armor, DB Schenker considère que la proximité de la plate-forme de distribution est un gros atout. En revanche, pour s’engager, l’entreprise a besoin de clients prêts à contractualiser pour trois ans de frêt hydrogène et prêts, dans un premier temps, à payer le service deux fois plus cher.